Qu’est-ce que la « Régularité » pour le Régime Écossais Rectifié ?

Phénix DNRF-GDDG

On ne cesse, à temps et à contretemps dans le milieu maçonnique, de se référer au principe de la « régularité », cette dernière souvent, et bien à tort, étant considérée comme synonyme d’une « légitimité » autour de laquelle toute vie initiatique semble, pour les uns être subordonnée afin de bénéficier d’une hypothétique « validité », acquise ou espérée, et pour les autres, d’un critère revendiqué et déclaré détenu, ceci pour des raisons diverses.

Mais qu’en est-il réellement de cette célèbre « régularité » – semble-t-il «l’un des plus anciens mots du vocabulaire maçonnique» [1], lorsqu’on aborde le cas, spécifique s’il en est, du Régime Écossais Rectifié ?

La question est importante et il convient d’y apporter une réponse.

a) Les principes de la « régularité » sont issus des ‘‘Basic Principles’’ de la Grande Loge Unie d’Angleterre définis en 1929

Ce n’est en réalité qu’en 1929, donc assez tardivement au regard de l’Histoire de la franc-maçonnerie universelle, que la Grande Loge Unie d’Angleterre (G.L.U.A.), dans les « Basic Principles » a défini les critères de cette fameuse « régularité » dont on parle si souvent – et qui bénéficie d’un relatif prestige, bien infondé au demeurant, renforcé par une constante actualité puisque la recherche, parfois frénétique, de cette « régularité », agite par intervalles réguliers les maçons -, « Basic Principles » dans lesquels figurent comme principales dispositions : « la croyance en le Grand Architecte de l’Univers et en Sa volonté révélée » ; « l’Obligations sur, ou en pleine vue, du Volume de la Loi Sacrée ouvert, de manière à symboliser la révélation d’en haut qui lie la conscience de l’individu particulier qui est initié » ; « aucune Grande Loge ne doit avoir quelque relation maçonnique que ce soit avec des Loges mixtes ou des Obédiences qui acceptent des femmes parmi leurs membres » ; « les discussions sur des sujets politiques ou religieux sont strictement interdites », etc. [2]

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Les « Basic Principles » définissant les critères de la « régularité, s’appuient les Constitutions publiées en 1723.

masonic-altarCes principes, ou « Landmarks », s’appuient en fait sur les Constitutions de la Grande Loge de Londres, publiées en 1723, rédigées par le pasteur presbytérien James Anderson (1684-1739) avec l’aide de John Théophile Désaguliers (1683-1744) le 24 juin 1717, Constitutions dont le titre originel était Constitution, Histoire, Lois, Obligations, Ordonnances, Règlements et Usages de la Très Respectable Confrérie des Francs-maçons acceptés, véritable travail de reformulation des anciens devoirs en une tentative d’adaptation fédérative, et d’ailleurs singulièrement réductrice, des règles et lois de la tradition artisanale, dont les travaux de Clement Edwin Stretton (1850-1915) dans « The Speculative Mason », ont bien montré le caractère destructeur à l’égard de la vénérable tradition opérative.

Quoi qu’il soit, ce sont ces Constitutions de 1723, qui présidèrent en décembre 1813 à « l’Acte d’Union » qui permit la création de la Grande Loge Unie d’Angleterre mettant fin au schisme entre les Modernes et les Anciens, dont on voudrait faire la base de la « régularité » universelle sur le plan maçonnique, alors qu’elles apparaissent, objectivement, plutôt comme une authentique entreprise d’altération de l’essence de la Maçonnerie originelle, ce qui n’allait pas tarder à engendrer des confusions multiples et sans cesse croissantes, tant sur le plan organisationnel qui’initiatique.

b) Le Régime Écossais Rectifié a procédé en 1778 a une « rectification » de la franc-maçonnerie andersonienne

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Le Régime Écossais Rectifié posa dès 1778, des principes intangibles profondément différents de la franc-maçonnerie andersonienne. 

Willermoz C’est pourquoi, loin de s’y référer comme source de la légitimité de son Ordre, Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), conçut et façonna le Régime Écossais Rectifié en 1778 à Lyon, comme une complète « rectification » de l’ensemble de la franc-maçonnerie, dotant son système, de par son lien avec la Stricte Observance allemande, d’une structure empruntant beaucoup plus aux règles et formes des Ordres militaires de l’antique Chevalerie médiévale, comme en témoigne le Code des C.B.C.S. (Code Général des Règlements de l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, Lyon, 1778), plutôt qu’aux conceptions de la Maçonnerie libérale défendues par les Constitutions de 1723 rédigées par les pasteurs Anderson et Désaguliers.

Ainsi, totalement étranger à cette perspective universaliste organisée en « Grandes Loges », qui plus est faiblement religieuse et ignorant absolument tout des éléments théoriques de la doctrine de la « réintégration », le Régime Écossais Rectifié posa, et ce dès les premiers instants de sa fondation, des principes intangibles profondément différents du milieu maçonnique du XVIIIe siècle – et donc de ceux issus des conceptions de la « régularité » provenant de la Grande Loge Unie d’Angleterre, reformulés en 1929, qui prétend aujourd’hui conférer une dite « légitimité » aux grades symboliques, et même aux grades et degrés situés au-delà des Loges symboliques en raison de leur rattachement aux « Grandes Loges » dont ils dépendent, pour bénéficier d’une illusoire « régularité », ce qui relève, on en conviendra aisément, de l’absurdité la plus totale.

Cette situation, qui vise à imposer les critères d’une « régularité » définie en 1929 par la Grande Loge Unie d’Angleterre (G.L.U.A.) dans les « Basic Principles », à des systèmes initiatiques recevant leur légitimité de sources absolument indépendantes de la maçonnerie anglaise – ce qui est bien le cas du Régime écossais rectifié né en France au XVIIIe siècle sur des bases entièrement autonomes  (globalement pour la partie doctrinale et symbolique L’Ordre des Chevaliers Maçons élus coëns de l’Univers, et pour la structure organisationnelle le cadre de la Stricte Observance)  -, n’a, il convient de le dire avec force, strictement aucun sens !

c) Toutes les branches de la maçonnerie andersonienne, sont regardées comme « apocryphes » par le Régime Écossais Rectifié 

À ce propos, il est tout à fait étonnant de voir comment fonctionnent de nos jours certaines obédiences maçonniques à l’égard d’un Régime qu’elles ont positivement « vassalisé » à leur profit, n’hésitant pas à tordre le cou à ses principes, parfois avec une incroyable désinvolture, afin de soumettre le Régime rectifié à des règles et des cadres fonctionnels qui lui sont parfaitement étrangers [3].

Phénix RER

La franc-maçonnerie « non rectifiée » n’est, au regard de la Réforme de Lyon, rien d’autre « qu’apocryphe », c’est-à-dire, pour être clair, une maçonnerie dépourvue et ignorante de la doctrine ésotérique de la « réintégration ». 

Mars 1935 Ce triste état de fait, contre lequel s’éleva déjà Camille Savoire (1869-1951) lors de la création du Grand Directoire des Gaules en mars 1935, en s’opposant vigoureusement à la manière dont le Grand Orient de France entendait s’approprier, et faire vivre sous une tutelle inacceptable, le Régime écossais rectifié [4], perdure malheureusement depuis bien des décennies, faisant que l’ensemble du monde obédientiel semble entièrement oublier un point fondamental sur lequel le Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, réveillé en décembre 2012 à Lyon, insiste avec force : à savoir que « l’Ordre » issu de la réforme de Lyon, tire uniquement sa légitimité et sa « régularité » de sa fidélité observée à l’égard des principes énoncés et arrêtés en 1778 lors du Convent des Gaules, entérinés lors du Convent de Wilhelmsbad en 1782 [5].

Voilà ce qu’est la « régularité » pour le Régime écossais rectifié, et il n’y en a pas d’autre, qui serait à rechercher auprès d’une maçonnerie qui, il conviendrait d’en être un minimum conscient lorsqu’on traite de ces sujets, n’est au regard des critères de la Réforme de Lyon, rien d’autre « qu’apocryphe », c’est-à-dire, pour être clair, est une maçonnerie dépourvue et ignorante de la doctrine ésotérique de la « réintégration » provenant de Martinès de Pasqually ( + 1774), déposée et infusée par Jean-Baptiste Willermoz au sein de la Stricte Observance, aboutissant, lors de sa « rectification » en 1778 à Lyon lors du Convent des Gaules, à la constitution du système initiatique spécifique qui devint le Régime écossais rectifié [6].

Conclusion

Phénix X

Le Régime Écossais Rectifié dépasse, selon ses critères, en éminence, en autorité et en connaissance des mystères de l’initiation, tous les systèmes – et l’ensemble des régimes composites et « apocryphes » – méconnaissant la « doctrine de la réintégration ». 

Phénix XVIIe  Ainsi, le Régime rectifié, placé, selon les dispositions des Codes de 1778 (Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées & Code Général des Règlements de l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte),  – unique critère de référence pour le Régime -, sous l’autorité d’un Directoire National fédéré en Provinces sur lesquelles sont souchés des Grands Prieurés, n’a aucunement besoin de se rattacher à une instance maçonnique quelconque – en particulier sous la forme d’une « Grande Loge » qui devrait être « reconnue » par la Grande Loge Unie d’Angleterre (G.L.U.A.) – on se demande bien pourquoi ? -, ou d’une obédience prétendant « posséder » le Régime, ceci afin de bénéficier d’une illusoire « régularité » qui lui ferait défaut, puisque sa «véritable régularité » le Régime écossais rectifié la possède en plénitude depuis deux siècles et demi, grâce à l’action de son fondateur, le lyonnais à qui tous les maçons rectifiés doivent tant : Jean-Baptiste Willermoz.

Enfin, et plus profondément encore, ce que nous ne cessons de proclamer et que notre initiative de « Refondation » du Régime nous fait devoir d’affirmer : le système issu de la Réforme de Lyon – et ce n’est pas pour rien qu’il se voulut une initiative de « rectification » entière de la franc-maçonnerie en 1778, dépasse, selon ses propres critères, en éminence, en autorité et en connaissance des mystères de l’initiation, tous les systèmes, l’ensemble des régimes composites, et les organisations constituées en « Grandes Loges », méconnaissant la « doctrine de la réintégration » [7], et, bien évidemment, n’a aucunement besoin pour vivre et se développer, des formes structurelles administratives connues sous le nom « d’obédiences maçonniques », puisque la « conception obédientielle est absolument étrangère à l’esprit de la rectification », faisant que vouloir faire rentrer le R.E.R., dans les cadres de la maçonnerie andersonienne en le faisant coexister, soit avec d’autres Rites, soit avec des visions et conceptions (sociétales, politiques, symboliques, initiatiques, confessionnelles, dogmatiques, etc.),  issues de voies « apocryphes », est une absolue aberration.

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Ainsi, et que ceci soit bien entendu : le Régime écossais rectifié est « régulier » dès lors que, bénéficiant d’un lien de transmission effectif et valide avec le « réveil » opéré en 1935, il est  pratiqué en fidélité à son essence, à ses principes organisateurs, aux Codes fondateurs qui en définissent les règles, et à sa doctrine interne précisée dans les Instructions à tous les grades, et cette « régularité » est de nature initiatique et trans-historique, puisqu’elle se rattache uniquement et invisiblement, à l’Ordre essentiel, primitif et fondamental qui se perd dans la nuit des siècles.

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Notes.

1. A. Bernheim, Régularité et Reconnaissance, Etudes maçonniques, Masonic papers,

2. Cf. Principes de base pour la reconnaissance par elle d’une autre Grande Loge, ou Déclaration des Principes de Base, Grande Loge Unie d’Angletterre, 1929. On notera que le premier des « huit principes de base » figurant dans cette Déclaration, stipule : « Chaque Grande Loge doit avoir été établie légalement par une Grande Loge dûment reconnue ou par trois Loges ou plus régulièrement constitués », ce qui n’intéresse en rien le Régime écossais rectifié, organisé en Régime autonome depuis 1778, non sous le modèle d’une « Grande Loge » (sic), mais par ses Directoires et Grands Prieurés.

3. Le Grand Directoire des Gaules a tenu le 15 décembre 2012, quoiqu’il en déplaise, à rappeler que le Régime depuis son « Réveil » en 1935, n’avait jamais pu vivre selon ses critères : « On est ainsi obligé de constater que depuis le réveil en 1935 du Régime, la conception originelle du Code n’a presque jamais été suivie, entraînant des dis-fonctionnements significatifs dans la logique organisatrice du Régime Écossais Rectifié qui cessa, dès lors, de se penser comme un « Ordre », le ramenant à un Rite réduit à une conception obédientielle absolument étrangère à l’esprit de la rectification, même si imaginant en relever en usant de titres et dénominations issus du corpus sémantique willermozien. » (Cf. « Principes de l’Ordre en 10 points », point IV, DNRF-GDDG, 15 décembre 2012, Lyon).

4.  GODF  Parmi les « fables maçonniques », il en est une qu’il convient de dissiper entièrement, tant elle revient comme une antienne singulièrement fausse et erronée, celle consistant pour le Grand Orient de France, à s’imaginer détenteur d’un quelconque titre de propriété sur le Régime écossais rectifié au motif des Traités d’Union de 1776, 1781 et 1811, signés, à l’époque, avec les instances dirigeantes du Régime. Or ces Traités, comme il est aisé de le constater à leur lecture, n’eurent pour but, comme le stipulent leurs articles, que de « déléguer » au Grand Orient de France, sous l’autorité des Directoires du Régime, et surtout sur leur proposition, la création d’établissements symboliques, c’est-à-dire de Loges bleues. C’est peu, relève du niveau purement administratif, et c’est tout. Les Directoires, dont il était d’ailleurs précisé en préambule des Traités, qu’ils forment « Le corps du Régime Rectifié en France », bénéficiaient d’un représentant au sein du Grand Directoire des Rites du Grand-Orient, et conservèrent toujours leur entière souveraineté sur le Régime, tant au niveau de l’Ordre Intérieur que des Loges symboliques, puisque rien ne pouvait se faire, dans le cadre de leur création – et plus encore des rituels du seul ressort de l’Ordre rectifié -, sans proposition et décision des Directoires. Autant dire que les Loges symboliques rectifiées qui travaillèrent ainsi sous les auspices du Grand Orient de France, furent « agrégées » (sic) à l’Obédience, au seul titre de leur participation administrative, et qu’il ne fut jamais question, et ceci pas un seul instant et dans l’esprit de quiconque, d’une quelconque idée «d’appropriation du Régime» par le Grand Orient de France, appropriation et détention d’ailleurs rendues absolument impossibles au regard de l’organisation propre du Régime écossais rectifié, structuré depuis le XVIIIe siècle comme un « Ordre » autonome et indépendant, gouverné par les établissements ostensibles et non-ostensibles de sa classe chevaleresque, ses Directoires et ses Grands Prieurés.

5. « L’Ordre issu de la réforme de Lyon, connu sous le nom de Régime Écossais Rectifié, tire uniquement sa légitimité et sa « régularité », par delà les qualifications initiatiques de ses membres, de sa fidélité observée face aux principes énoncés et arrêtés en 1778 lors du Convent des Gaules. » (Cf. « Principes de l’Ordre en 10 points », point I, DNRF-GDDG, 15 décembre 2012, Lyon).

6. « L’aspect doctrinal définit le Régime rectifié, ce qui est une spécificité unique dans tout le champ rituel de la franc-maçonnerie universelle, et donne au système willermozien une nature à nulle autre pareille qui le distingue entièrement des autres Rites maçonniques lui conférant son caractère de voie dite  « non-apocryphe » au regard des critères de la doctrine de la réintégration, dont l’Ordre est le dépositaire légitime depuis le XVIIIe siècle. » (Cf. « Principes de l’Ordre en 10 points », point VI, DNRF-GDDG, 15 décembre 2012, Lyon).

7. Il n’est pas inutile de se remémorer certaines vérités : « L’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, fut conçu pour être l’écrin de l’Ordre mystérieux qui est l’essence même du Régime rectifié, sa substance intérieure secrète. Ses travaux se déroulent donc dans l’invisible et auront pour objet de se consacrer à l’étude et à la conservation de la doctrine de la réintégration dont l’Ordre est le dépositaire de par l’Histoire, doctrine sacrée qui a un but essentiel et très élevé que peu d’hommes sont dignes de connaître. Willermoz écrira du Haut et Saint Ordre : « Son origine est si reculée, qu’elle se perd dans la nuit des siècles ; tout ce que peut l’institution maçonnique, c’est d’aider à remonter jusqu’à cet Ordre primitif, qu’on doit regarder comme le principe de la franc-maçonnerie ; c’est une source précieuse, ignorée de la multitude, mais qui ne saurait être perdue : l’un est la Chose même, l’autre n’est que le moyen d’y atteindre.» (Cf. Proclamation refondatrice de l’Ordre rectifié, D.N.R.F.-G.D