Jean-Baptiste Willermoz
– 10 juillet 1730 – 29 mai 1824 –
Le Convent des Gaules de 1778 occupe une place tout à fait significative dans l’histoire de la Franc-maçonnerie, car l’objet de ses travaux, d’une nature radicalement nouvelle, aboutira à la conception du Régime rectifié tel que nous le connaissons et pratiquons encore de nos jours.
En effet le Convent des Gaules fut une tentative de rétablir « l’unité primitive » de l’initiation au milieu de la multiplication anarchique des systèmes qu’il qualifia avec sévérité « d’arbitraires ».
Ces systèmes divers et variés, quoique chrétiens et édifiants, étaient cependant totalement ignorants des bases de la connaissance initiatique réelle, ils méconnaissaient entièrement les fondements des vérités mystérieuses oubliées par l’Eglise et ses ministres selon les déclarations Willermoz lui-même(cf. Lettre à Salzmann, 12 mai 1812), ce qui nécessitait une « Réforme » en profondeur de la Franc-maçonnerie.
C’est pourquoi à Lyon, Willermoz et ceux qui étaient à ses côtés, constituèrent un Régime qui ambitionna de réunir l’ensemble des Loges afin de reconstituer l’unité sur la base d’une maçonnerie puisant au « berceau » même de l’authentique « Tradition », et des mystères premiers qui présidèrent à la réhabilitation d’Adam après la Chute.
C’est ce que stipule l’Introduction du Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées de France (1778 ) :
« A défaut d’en connaître le vrai point central et le dépôt des lois primitives, elles suppléèrent au régime fondamental par des régimes arbitraires particuliers ou nationaux, par des lois qui ont pu s’y adapter. Elles ont eu le mérite d’opposer un frein à la licence destructive, qui dominait partout, mais ne tenant point à la chaîne générale, elles en ont rompu l’unité en variant les systèmes.
Des Maçons de diverses contrées de France, convaincus que la prospérité et la stabilité de l’Ordre Maçonnique dépendaient entièrement du rétablissement de cette unité primitive, ne trouvant point chez ceux qui ont voulu se l’approprier, les signes qui doivent la caractériser, et enhardis dans leurs recherches par ce qu’ils avaient appris sur l’ancienneté de l’Ordre des Francs-Maçons, fondé sur la tradition la plus constante, sont enfin parvenus à en découvrir le berceau.
Avec du zèle et de la persévérance, ils ont surmonté tous les obstacles, et en participant aux avantages d’une administration sage et éclairée, ils ont eu le bonheur de retrouver les traces précieuses de l’ancienneté et du but de la Maçonnerie. »
On peut donc dire que le Convent des Gaules, dans ses décisions, a certes établi et constitué une Maçonnerie symbolique fondée non plus, comme auparavant, sur trois grades, mais sur quatre, conduisant à un Ordre de Chevalerie, dit « Ordre Intérieur », formé des Ecuyers Novices et des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, mais qu’il, a d’abord et avant tout constitué un projet initiatique absolument novateur, dont l’objet spirituel, assigné en propre à ce nouveau système fondé à Lyon en 1778, fut clairement celui de la doctrine de la réintégration.
Etre fidèle à l’esprit qui présida à la Réforme de Lyon en 1778, c’est donc s’attacher à cette doctrine afin de la respecter, la travailler et l’approfondir, mais c’est aussi œuvrer à la mettre en pratique sur le plan initiatique, et savoir qu’elle est au cœur de la vie interne du Régime rectifié.
Le but visé par les élus coëns – ce qui montre bien le lien étroit qui venait de se sceller définitivement à Lyon lors du Convent des Gaules entre la pensée de Martinès et le nouveau Régime rectifié, et ce que réalisaient les intentions explicites et implicites de Willermoz -, soit accomplir la transformation de la nature même de la maçonnerie écossaise regardée, selon les critères de Martinès Pasqually comme « apocryphe », en une franc-maçonnerie « non apocryphe », c’est-à-dire détentrice de la doctrine de la « Réintégration » : « Le but de Willermoz était de préserver la doctrine dont Martines de Pasqually avait été, selon que ce dernier lui avait enseigné, l’un des relais seulement ; maintenir, quand sombrait l’ordre des Elus Cohen, la vraie Maçonnerie selon le modèle que Martinès de Pasqually lui avait révélé comme l’archétype et que garantit une conformité doctrinale avec la doctrine de la réintégration. » (R. Amadou, Martinisme, CIREM, 1997, p. 36).