Le Régime rectifié, fondé en 1778 au Convent des Gaules, après une période d’expansion qui s’exerça quelques années encore après le Convent de Wilhelmsbad (1782), eut beaucoup de mal à se rétablir après la Révolution, qui laissa la maçonnerie, et le Régime rectifié plus encore, dans un état de très grande faiblesse.
Sur l’ensemble des structures qui existaient avant 1789, très peu réussirent à survivre et, pour beaucoup, purement et simplement, elles disparurent. Le Régime était donc réduit à sa plus simple expression et ne subsistait, là où il se maintenait plus ou moins, que par la volonté de quelques individualités isolées.
C’est grâce à une loge, Le Centre des Amis, qui décida, le 24 octobre 1807 de passer au Rite Écossais Rectifié, que le Régime repris ses activités, comme le relate Willermoz dans une lettre à Charles de Hesse : « …Un Établissement Maçonnique formé à Paris en 1808, et que j’ai ensuite constitué de même en Préfecture provisoire. Il y prospère beaucoup sous le titre de Loge du Centre des Amis. C’est une pépinière de l’Ordre qui nous a déjà rendu de grands services….» [1]
Toutefois, si le Centre des Amis joua un rôle important dans le réveil du Rite Écossais Rectifié après la Révolution, la première Loge à solliciter son rattachement aux lumières de la rectification fut un atelier de Marseille : La Triple Union, atelier fondé en 1782 puis placée en 1783 sous l’autorité du Grand Orient de France, rectifié en 1784 par le Directoire Écossais d’Auvergne, mais qui avait été contraint de suspendre ses travaux en 1788. Cependant, dès 1801, son Vénérable Claude-François Achard (1751-1809) se tournait vers Lyon pour demander les rituels nécessaires afin de pouvoir travailler, alors même que le Directoire n’avait plus qu’une existence fragile et que La Bienfaisance n’avait pas réussi à se reconstituer. [2]
De son côté, si dès 1793 le Chapitre Provincial de la Ve Province de Bourgogne avait été mis en sommeil en raison des troubles générés par la Révolution, quelques Loges avaient peu à peu repris leur activité à Besançon à partir de 1800, au point qu’en 1805 une Commanderie put être constituée au sein de la Sincérité et Parfaite Union, qui décida, le 28 janvier 1808, de réveiller la Ve Province de Bourgogne et son Directoire.
Blason de la Ve Province de Bourgogne
C’est de ce réveil de la Ve Province que surgira l’idée de reformer un nouveau Grand Directoire National et surtout de désigner un Grand Maître du Régime Rectifié pour la France, aboutissant à l’élection en 1808 de Cambacérès, comme Grand-Maître National des Provinces Françaises de l’Ordre.
Mais l’embellie fut de courte durée. En 1828, les quatre derniers C.B.C.S. qui constituaient le Directoire de la Ve Province de Bourgogne, réduite à deux Préfectures, décidèrent de cesser les travaux et de remettre les archives à la Préfecture de Bâle (qui faisait partie de la Bourgogne), mais ne pouvant elle-même poursuivre ses activités, les déposa ensuite à la Loge Modestia cum Libertate à l’Orient de Zurich.
Du côté des deux Provinces qui avaient repris force et vigueur après la Révolution, à savoir l’Auvergne et la Septimanie, de la même façon, peu à peu les établissements fermèrent les uns après les entre 1820 et 1830, le Centre des Amis étant mis en sommeil le 14 juin 1843.
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Fort heureusement, Jean-Baptiste Willermoz qui s’était éteint le 29 mai 1824 laissa à Joseph Antoine Pont (+ 1838), Eq. a Ponte Alto, toutes ses archives et surtout le soin de faire survivre la transmission de l’Ordre. [3]
Ainsi, à partir du dernier quart du XIXe et en raison de son extinction en France, le Régime Écossais Rectifié ne subsistera que par le Grand Prieuré d’Helvétie, déjà dépositaire depuis 1828 du pouvoir de la Ve Province, mais qui allait, en 1830, se voir confier, charge extrêmement importante, la responsabilité de la mémoire et surtout de la continuité de l’Ordre.
Le seul lieu où le Régime fut donc encore en activité sera la Suisse, ou, plus exactement, la Préfecture de Genève en quoi consistait le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, puisque la Préfecture de Bâle puis celle de Zurich en 1885 cessèrent leurs travaux, amenant, en 1887, la Préfecture de Genève à rester la seule instance dépositaire des Rituels et des archives du système maçonnique Écossais et Rectifié en Helvétie. De ce fait, et par la force des choses, Genève, avec la Loge l’Union des Cœurs – fondée le 7 février 1768 et rectifiée le 23 août 1811 -, demeura l’unique Directoire du Régime ayant survécu à l’extinction du Régime rectifié en France.
Il faudra attendre le XXe siècle, à l’initiative de Frères du Grand Orient de France – et notamment grâce à la volonté de Camille Savoire (1869-1951) qui se tourna vers le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, ultime et providentiel conservateur du Régime rectifié -, pour que le système maçonnique fondé par Jean-Baptiste Willermoz, soit enfin réveillé sur le territoire qui l’avait vu naître au XVIIIe siècle.
(Cf. J.-M. Vivenza, Histoire du Grand Prieuré des Gaules, le Régime écossais rectifié du XVIIIe siècle à nos jours, Simorgh, 2011).
Notes.
1. J.-B. Willermoz, Lettre à Charles de Hesse, 10 septembre 1810.
2. A cette période, le Directoire d’Auvergne consistait uniquement en Willermoz qui occupait l’office de Chancelier, son neveu Eq. Lilio Albo en était le Secrétaire Général, et Joseph Antoine Pont, Eq. A Ponte Alto, le Visiteur Général.
3. S’agissant de cette notion « d’Ordre », qui qualifie et distingue le Régime en toutes ses classes, dont celle, la 3e, désignée comme « non-ostensible », tout en lui conférant une particularité unique, Willermoz prit toutes ses dispositions, sentant que la menace était grande de voir disparaître la substance même de son système, afin de préserver le dépôt de la transmission.
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