« Cet Ordre par excellence, à défaut de le pouvoir nommer,
ne peut être appelé que le Haut et Saint Ordre (…)»
Depuis le réveil complet du Régime rectifié en France au XXe siècle en 1935, lors de la constitution du Grand Directoire des Gaules à l’initiative de Camille Savoire (1869-1951), il est évident que les principes de fonctionnement propre à l’Ordre, pourtant clairement définis, arrêtés, et explicitement exposés dans les deux Codes rédigés lors du Convent des Gaules en 1778, n’ont pas été respectés, ceci obligeant à une nécessaire « refondation » qui s’imposait, si l’on voulait maintenir en fidélité, et faire perdurer avant qu’il ne soit trop tard, et surtout que la situation devienne irréversible, l’essence de la Réforme de Lyon.
a) Le cadre obédientiel andersonien est étranger au Régime Écossais Rectifié
Force est de constater en premier lieu, que depuis son réveil au XXe siècle, on a voulu se servir des cadres obédientiels de la maçonnerie andersonienne afin de faire vivre le Régime Écossais Rectifié, aboutissant à des situations préoccupantes. Et à cet égard, il est évident que la plupart des formes sous lesquelles vit le Régime rectifié actuellement, ne sont en rien conformes à son essence, y compris les formes structurelles distinguées sous le nom de «Grands Prieurés» – qui sont souvent, en réalité, très éloignés des critères propres de la rectification tels que spécifiés dans les Code rédigés lors du Convent des Gaules en 1778.
En effet, et cet exemple est de ce point de vue démonstratif, l’idée d’un « Grand Prieuré National » pour la nation Française, est profondément incohérente et contradictoire, puisque la France, selon le Code de 1778, est constituée de trois Provinces (IIe d’Auvergne, IIIe d’Occitanie, Ve de Bourgogne) qui, théoriquement, devraient posséder chacune son Grand Prieuré avec leurs Prieurés régionaux rattachés, ces trois Grands Prieurés devant être placés sous l’autorité d’un Grand Directoire National ayant à sa tête un Grand Maître National [1].
Jean-Baptiste Willermoz, 1782.
« Le but de Willermoz était de préserver la doctrine
(…) maintenir, quand sombrait l’ordre des Elus Cohen,
la vraie Maçonnerie (…) que garantit une conformité doctrinale
avec la doctrine de la réintégration. »
(R. Amadou, 1997).
On est ainsi obligé de constater que depuis le réveil du Régime au XXe siècle, sous les auspices du Grand Directoire des Gaules – ceci dit sans oublier ce que nous devons d’immense et d’important à ceux qui entreprirent de redonner vie à l’Ordre, ainsi qu’aux institutions qui en incarnèrent l’esprit avec une sincérité que nous ne contestons aucunement – la conception originelle du Code n’a cependant presque jamais été suivie, entraînant des disfonctionnements profonds dans la logique organisatrice du Régime Écossais Rectifié qui cessa, dès lors, peu à peu de se penser comme un « Ordre » à part entière, en étant ramené à un simple Rite parmi d’autres au sein de structures obédientielles multiritualistes, selon une conception absolument étrangère à l’esprit de la rectification, même si imaginant en relever en usant de titres et de dénominations issus du corpus sémantique willermozien.
b) Oubli de la doctrine du Régime rectifié
Mais à ce premier constat, déjà fort préoccupant, s’ajoute un second plus encore inquiétant et non moins significatif, qui découle du premier et en est la conséquence quasi logique, celui mettant en lumière le fait – par delà l’essence de la rectification, qui outre un Rite original s’exerçant en quatre grades formant la classe symbolique débouchant sur un Ordre intérieur d’essence chevaleresque distingué en un état probatoire (Ecuyer Novice) et le grade de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte –, que le Régime Écossais Rectifié est d’abord et avant tout un enseignement, c’est-à-dire une «doctrine» selon le nom utilisé par Jean-Baptiste Willermoz, doctrine savamment élaborée, et introduite officiellement lors du Convent des Gaules en 1778, ce que confirma ensuite le Convent de Wilhelmsbad en 1782 [2].
Le Régime rectifié c’est d’abord et avant tout un enseignement, c’est-à-dire une «doctrine» selon le nom qui lui fut donné par Willermoz, enseignement savamment élaboré et défini lors du Convent des Gaules en 1778.
Sans cette doctrine le Régime rectifié, qui d’ailleurs se singularise au sein du monde maçonnique par cet aspect tout à fait unique, se réduit à une coquille vide, à une écorce superficielle dont on aurait arraché le noyau, une structure dénuée de sa substance, puisque cette doctrine, relevant de l’enseignement sacré et invariant de l’Ordre primitif, définit en sa nature la plus profonde et la plus intime le Régime Écossais Rectifié [3].
Or cette doctrine aujourd’hui, précisément, se trouve menacée, puisque non seulement elle est assez largement oubliée et délaissée, mais parfois même, ce qui est peut être encore plus grave, déformée, contredite, et en certaines occasions, carrément niée, décriée et dénoncée comme étant une « hérésie » en raison de son rattachement à l’esprit du christianisme transcendant, qui soutient des positions relatives à l’origine de l’homme, la raison de la constitution du monde matériel, sa vocation à la dissolution finale, se rapportant à des thèses que l’Église a rejetées ou condamnées à de multiples occasions au cours de l’Histoire [4].
Conclusion
Cette double situation qu’il est aisé de vérifier, et que confirme sans difficulté avec un minimum d’objectivité un examen des faits – touchant le plan structurel et doctrinal du Régime rectifié -, est donc extrêmement inquiétante, obligeant à ce que l’on empêche une dérive menaçante pour ce que représente d’inestimable sur le plan historique le dépôt willermozien et l’esprit de la Réforme de Lyon, Réforme de la franc-maçonnerie mise en oeuvre lors du Convent des Gaules en 1778.
C’est cette situation, qu’il était impossible moralement, spirituellement et « initiatiquement » de laisser perdurer en l’état, qui nous a conduit à réagir, en engageant, de par notre initiative de « réveil » du Grand Directoire des Gaules le 15 décembre 2012 à Lyon, une démarche de « refondation de l’Ordre« , afin de répondre aux exigences présentes du Régime Écossais Rectifié, dont nous avons le devoir, de par notre état de membres appartenant et adhérant en sincérité à l’esprit de la Réforme de Lyon, d’être les gardiens et vigilants protecteurs, ceci afin que la lumière éternelle du Phénix, puisse continuer de se répandre dans les « âmes de désir » en quête des vérités célestes.
Notes.
1. « Les Provinces réformées d’après le nouveau rite, sont divisées en Grands Prieurés. » (Titre III, art. 3, Code Général des Règlement de l’Ordre des C.B.C.S., 1778).
2. Recès du Convent Général tenu à Wilhelmsbad (1782).
3. « Cet ordre par excellence, à défaut de le pouvoir nommer, ne peut être appelé que le Haut et Saint Ordre (…) » Ordre par excellence, détenteur des « des connaissances précieuses et secrètes qui découlent de la Religion primitive. » (Instruction d’Ecuyer Novice, 1778).
4. « Le but de Willermoz était donc de préserver la doctrine dont Martines de Pasqually avait été, selon que ce dernier lui avait enseigné, l’un des relais seulement ; maintenir, quand sombrait l’ordre des Elus Cohen, la vraie Maçonnerie selon le modèle que Martinès de Pasqually lui avait révélé comme l’archétype et que garantit une conformité doctrinale avec la doctrine de la réintégration. » (R. Amadou, Martinisme, CIREM, 1997, p. 36).